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Histoire
Le Toghu ou l’Atoghu est un vêtement à motifs colorés du peuple Grassfields de la région du Nord-Ouest du Cameroun.
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Traditionnellement, il est confectionné de velours de couleur noir sur lequel est brodé à la main des motifs et décorations avec du fil ou des bandes de couleurs jaune, orange, ocre, rouge, blanc….
Sur le col, sur les bouts de manches et au bas de la tunique, on a des broderies rectilignes et régulières. Sur la tunique elle-même, les broderies prennent la forme de motifs en formes de losanges, étoiles et autres formes.
Le tissu sert à la réalisation de larges tuniques, son aspect est semblable à celui d’une robe large avec de grandes et longues manches.
Origine
Le Toghu serait originaire de Bafut, Mankon et Nkwen, trois villages du département de Mezam, de la région du Nord-Ouest Cameroun, et était porté à la base par les chefs et notables. Les motifs que l’on retrouve sur les toghu originaux sont ceux de lunes, de gongs, et d’animaux, chacun de ses symboles représentant une signification bien particulière.
Les différents types de Toghu
Dépendamment du village, ce nom est prononcé légèrement différemment. “tɔ̀gə̀” à Mankon et à Nkwen, et “tɔ̄kə̀” à Bafut. Le terme utilisé pour ce vêtement diffère également, dépendamment du cadre traditionnel, ce qui nous en donne 3 types :
Toghu
Il désigne la grande tunique et est l’origine même du terme. Cette tunique est très large et recouvre le corps en entier jusqu’au pieds et au-delà des mains.
Ndani
Prononcé ndá nyì à Mankon, ndā nwè à Nkwen et ndá nwì à Bafut. Il désigne une tunique moins large au niveau du torse et qui se termine juste après les genoux, et/ou avec des manches qui elles se terminent juste au niveau des poignets ou après les coudes.
Mbawara
Ce dernier est le plus petit de tous. Il désigne un haut plutôt qu’une tunique, sans manches et s’arrêtant au niveau de la taille. Prononcé mbàrə̀wà à Bafut et bàrə̀wà à Mankon, il ne fait pas partie de l’accoutrement traditionnel chez les Nkwen.
Significations
Bafut
Le gong brodé sur le Toghu symbolise l’autorité traditionnelle Bafut. Ce gong est retenti lors des cérémonies traditionnelles. Il est très important dans la culture et est utilisé dans diverses occasions, et juste par un changement de rythme ou de son, il peut annoncer soit la guerre, soit une cérémonie traditionnelle au palais du chef traditionnel, ou tout simplement une dance.
La peau d’animal est un symbole représentant la noblesse dans la tradition Bafut. Seuls les nobles de première classe comme le souverain suprême portent des Toghu avec des motifs d’animaux. Le lion et le tigre ne sont portés que par le « Fon » (le chef traditionnel dans le Nord Ouest) ; l’araignée est portée par le second dans le rang de la hiérarchie du palais.
Il y a aussi la lune comme symbole, brodé en différentes tailles. Les nobles portent des lunes plus petites alors que la plus grande lune est sur le Toghu du Fon.
Le Toghu s’accorde avec un chapeau, et il en existe de différents types. Le plus haut rang des chapeaux est confectionné à partir d’épines de porc-épic, ce qui tend à identifier l’utilisateur comme un guerrier renommé. Il est porté par les dirigeants de la société traditionnelle.
Mankon
Le Toghu à Mankon, a spécifiquement trois symboles ; le gong qui sert à convoquer les gens et indiquer l’autorité du village ; le serpent qui s’entrelace le plus souvent autour du cou et qui représente la beauté ; et le lézard, créature commune assez intelligente que l’on trouve autour de chaque maison, donc ceux qui l’ont conçu l’ont sûrement fait pour différencier le Toghu de Mankon de celui des autres villages.
En plus de ces 3 symboles, la lune est dessinée au dos de la robe sous la forme d’un cercle rouge pour les nobles, les princes et les détenteurs de titres, en les désignant comme des guides. Il fait briller la lumière pour que les autres suivent.
Pour distinguer la noblesse des autres citoyens, les chapeaux qu’ils portent, ont une plume rouge. Cette plume rouge est accordée par le Fon ou toute autre personne noble qu’il décide de déléguer à cet effet.
Nkwen
À Nkwen, le Toghu est conçu différemment de celui des autres villages. Il est façonné suivant les couleurs de l’arc-en-ciel en lequel ils croient. Les hommes de Nkwen le portent à l’occasion de rites traditionnels.
Tout le monde peut en effet porter le Toghu à Nkwen, mais ils doivent respecter la spécificité de certains symboles. Ils incluent : le gong utilisé pour convoquer des personnes à assister à un événement ou alors comme instrument de musique ; la calebasse, qui symbolise le récipient utilisé pour servir le vin de palme, ou les calebasses spéciales utilisées dans le palais pour effectuer des rites traditionnels ; et la lune à l’arrière, symbole d’autorité, et portée par les Fon, les princes et les serviteurs du palais, avec la plus grande lune dédiée au chef suprême.
Le Toghu du souverain suprême pourrait par ailleurs être brodé d’un tigre ou d’un lion comme symbolique en référence à leurs positions de dirigeants, tout comme ces animaux sont les rois de la forêt. Les symboles animaux sont limités uniquement au chef suprême qui est le plus haut gradé. Sa robe est parfois garnie de cauris pour signifier la royauté. Les sous-chefs et les princes portent pareillement des cauris. Cependant, plus de cauris sont ajoutés à la robe du souverain suprême pour éviter toute confusion quant à la hiérarchie.
D’autres symboles sont utilisés, tels que la lance et la plante de la paix. La lance est un symbole qui rappelle son utilisation à l’époque des guerriers. La plante de la paix est le symbole traditionnel de la paix, de l’amour et de l’unité dans de nombreuses régions du Cameroun, en particulier dans les Grassfields.
Et les femmes ?
Dans l’étiquette traditionnelle stricte, le Toghu est une robe masculine. Qu’il s’agisse de Mankon, de Bafut ou de Nkwen, la tenue traditionnelle la plus courante pour une femme est le « chemisier et pagne ».
Le chemisier couvre la partie supérieure du corps jusqu’à la taille, tandis que le pagne est noué autour de la taille et descend jusqu’aux pieds ; un foulard accompagne la robe. Bouba and Labba est le nom en langue maternelle Nkwen et en Mankon pour désigner cette tenue. Chez les Bafut, ils l’appellent Boubou and Labba (notez, le mot “and” est emprunté de l’anglais).
Tout comme la grande robe pour les hommes, le code vestimentaire pour les femmes porte des symboles comme le gong, la calebasse et la plante de la paix dans ces trois villages. À Bafut exceptionnellement, les femmes de haut rang comme les reines mères ont leur tenue incrustée de symboles lunaires et animaux, mais leurs homologues à Mankon et Nkwen ne se voient pas accorder ces deux symboles, car les symboles lunaires et animaux y sont réservés uniquement aux hommes puisque les femmes sont considérées comme “non éminent”.
Une autre culture similaire qui traverse ces trois villages est la tenue de la reine. La reine qui est l’épouse d’un chef traditionnel porte un collier et un bracelet en cauris en plus de son chemisier et de sa longe comme symbole de sa royauté et de sa position. Ces insignes réservés aux femmes semblent être un match compatible lorsque les femmes accompagnent les hommes qui portent la grande robe. Les femmes portent également des insignes lors de cérémonies comme les mariages traditionnels, les baby showers, les funérailles, les événements religieux, les danses annuelles et les sorties.
Evolution
Le Toghu s’est répandu au-delà des villages de Bafut, Nkwen et Mankon, et est porté par tous les peuples de la région du Nord Ouest Cameroun. Véritable distinction culturelle, il est même arboré pour représenter le Cameroun tout court, notamment lors d’événements internationaux comme les jeux olympiques.
La tenue est valorisée lors de cérémonies comme les mariages, les danses annuelles, les festivals et les visites au palais, les expositions culturelles, les funérailles, les cérémonies religieuses, ou bien comme uniformes pour de nombreux groupes traditionnels ou encore pour accueillir des personnalités non camerounaises.
Le Toghu ne représente plus uniquement cette tenue royale, mais plutôt tout tissu imitant les broderies du Toghu originel, et en ce sens est utilisé dans les motifs ornementaux, pour des linges de maisons, et des décorations d’intérieures.
Pour être plus agréable à porter, beaucoup abandonne aussi la base en velours, pour des tissus plus légers. Le tissu noir était utilisé comme base de la robe, car il contraste avec les broderies de couleurs vives, et donne à la robe son caractère unique et la luminosité qui est sa marque de fabrique. Mais beaucoup aujourd’hui essaye d’autres couleurs, afin de le styliser.
La manière dont la tenue vestimentaire capture la culture d’un peuple et son histoire tout en laissant place au développement de la couture et des compétences artistiques est considérée comme une panacée pour de nombreuses start-ups de l’industrie du vêtement. Cette vulgarisation excessive inquiète, car personne ne sait combien de temps ce produit traditionnel et authentique peut résister à la nature agressive du commerce occidental et à l’ingéniosité chinoise.
Dernièrement, les gardiens de la culture ont assisté à une sorte de réveil dans cette robe traditionnelle. Le Toghu est vu dans une variété de styles, influencés par un choix personnel ou parfois influencés par les couturiers et les designers. L’évolution est remarquée dans le port du Mbawara par les femmes, l’existence de dessins fleuris, sans symboles traditionnels de base et de temps en temps le port de symboles spécifiques sans aucun respect du protocole et de la hiérarchie traditionnels.
Avec la galerie qui suit, dorénavant, vous pourrez désormais reconnaitre le Toghu sous toutes ses formes :
Source principale : https://toghuarmymovement.com/tam-documentary/