A Dikolo, une des chefferies du village de Bimbia — région du Sud-Ouest, Cameroun, se trouve un port négrier, d’où plus de 10 % des 12 millions d’esclaves exilés aux Amériques pendant la traite transatlantique seraient partis.
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Bimbia
Etat indépendant de l’ethnie des Isubu jusqu’à la colonisation Allemande du Cameroun en 1884, le village de Bimbia — nommé après un de ses souverains, le Roi Mbimbi– se situe sur les hauteurs de la ville balnéaire de Limbe et est constitué de 3 sous villages: Bona Ngombe, Bona Bille, et Dikolo, berceau du marché des esclaves.
Difficile d’accès, le site se trouve à 12 km de piste rocailleuse (boueuse en saison de pluie) soit 1h30 en voiture de la baie de Man O War à Limbe, suivi d’environ 3 km de marche à pied en suivant le même chemin emprunté un temps par ceux vendus en exile. C’est la qu’enfouies au sein d’une dense forêt, surgissent les premières ruines.
Son importance culturelle
Protégé par la forêt dense de Bonadikombo, le site a été découvert seulement en 1987 à l’occasion de travaux de terrassement du lieu de l’église édifiée à la mémoire d’Alfred Saker, un missionnaire anglais.
Des bâtiments en ruine se dressent encore de monumentaux pylônes de brique et de pierre portant des marques qui suggèrent où les captifs étaient enchaînés.
On y découvre de vieux ustensiles dont se servaient les marchands d’esclaves, de lourdes chaînes près de deux mètres de long. On peut ainsi imaginer les atroces souffrances qu’enduraient les personnes enchaînées.
De nouvelles fouilles pourraient révéler d’autres vestiges à Douala où des marchés aux esclaves se sont tenus directement sur le fleuve Wouri et à Rio del Rey.
Le port servi de zone de transit, d’entrepôt, de marché, et de lieu d’embarquement des esclaves provenant de, ou en transit sur Bimbia. 2 393 hommes dont 42,3 % d’enfants embarquèrent ici, 2 078 étant parvenus à destination selon des documents écrits datant de cette époque.
Le roi Bile, surnommé King William I of Bimbia par les Anglais, était l’un des participants actifs du traffic. Il convainquit les chefs des deux autres villages Isubu de prendre part au trafic même après l’abolition de l’esclavage. Des eclaves de l’arriere-pays etaient ainsi fournis aux occidentaux. Ne sachant pas nagé, et donc dépourvu d’échapatoire, ils etaient parqués sur l’île de Nicholls où la profondeur des eaux permattaient aux navires négriers de les récupérer afin de les expédier vers l’inconnu.
L’oublié de service
Le site de Bimbia reste peu connu des Camerounais. Beaucoup sont d’ailleurs surpris d’apprendre que le Cameroun serait un des centres de la traite négrière. Par conséquent, à défaut de se retrouver dans les manuels scolaires d’histoire Camerounais, des représentations théâtrales sur le site sont souvent données pour commémorer une époque heureusement révolue.
Bien que classé au patrimoine national de la Répulique du Cameroun. Il est encore submergé par une haute végétation et les bâtisses sont en ruine. Mais en raison de son histoire, Bimbia fait partie des 114 sites Africains recensés en 2014 pour intégrer le patrimoine historique de l’Unesco, ce qui pourrait accélérer sa restoration et sa popularité.
Lisa Aubrey, politologue américaine et enseignante au Département des Etudes Africaines et Africaines-américaines à l’Université d’Arizona avance le chiffre de 46 000 à 68 000 esclaves vendus pour l’ensemble du Cameroun, ce qui en ferait un centre important de la traite négrière.
Bien qu’avec son fort taux de traffic, les statistiques indiquent qu’il est parti davantage d’esclaves de Douala que de Bimbia entre 1777 et 1821, donc bien plus que de l’Ile de Gorée au Sénégal à laquelle elle est injustement comparée.
Sur les traces de leurs origines
Plus de 8 000 Afro-américains auraient ainsi identifié leur origine camerounaise et leurs ancêtres esclaves seraient vraisemblablement partis du port de Bimbia. Parmi eux, selon la presse, il y aurait le fameux producteur de musique Quincy Jones, l’ancienne secrétaire d’État Américain Condoleezza Rice, et l’acteur Blair Underwood qui d’ailleurs a effectué plusieurs descentes dans ce qui semblerait être son village d’origine, Babungo, situé dans la région du Nord-Ouest.
Sources:
Jeuneafrique.com
Wikipedia.com
Lemonde.fr
Agencecamerounpresse.com